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LE CHIEN D’OR

dant Bigot. Sa tante Marie Des Meloises était là aussi, dans son costume d’Ursuline. Cette femme avait dit un soudain et irrévocable adieu au monde, pour s’enfermer dans le couvent. Elle possédait une voix de soprano magnifique, et quand elle chantait dans la vieille chapelle, les passants s’arrêtaient pour l’écouter. Ils croyaient entendre la voix d’un ange caché quelque part près de l’autel sacré… Ceux qui l’avaient connue jeune disaient qu’Angélique lui ressemblait beaucoup. Elle était peut-être aussi belle. Mais nulle ne chantait aussi bien.

IV.

Les cheveux, comme des guirlandes d’or, sur les épaules, Angélique se regardait dans son miroir. Elle se mettait en parallèle avec les plus jolies filles de sa connaissance, et savourait goutte à goutte, jusqu’au fond, la coupe enivrante de la vanité satisfaite. Elle se sentait la plus belle. Elle regarda le portrait de sa tante, si beau avec son expression mystique, et elle eut un ironique sourire.

— Elle était belle aussi, se dit-elle. Elle aurait dû être reine et elle est devenue nonne !… pour l’amour d’un homme ! Moi aussi je suis digne d’être reine ! et je donnerai ma main à celui qui me portera le plus haut. Mon cœur…

Elle s’arrêta un moment. Un léger frémissement agita ses lèvres !…

— Mon cœur expiera la faute de ma main !…

Sous sa froide ambition, sous son insupportable vanité, Angélique gardait encore une étincelle des passions de la femme. Elle trouvait Le Gardeur beau, et ne pouvait s’empêcher de l’aimer un peu. Il savait si bien flatter son orgueil ! Elle l’écoutait avec complaisance, devinait bien qu’elle était chérie. Son instinct de femme le lui disait. Elle avait pour lui des regards et des paroles qui troublent l’âme et font de l’homme un esclave.

Elle n’était point capable d’un grand dévouement, recherchait l’admiration et se montrait jalouse, mais