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LE CHIEN D’OR

Ainsi Angélique touchait, dans les profondeurs de son âme, une pensée affreuse, redoutable. Elle fut effrayée tout à coup.

— Non ! s’écria-t-elle, ce n’est pas cela que je veux ! Mère de Dieu !…

Elle fit le signe de la croix.

— Je n’ai jamais songé à une chose pareille ! je ne veux pas ! je ne veux pas !…

Et elle ferma les yeux et mit ses mains sur ses paupières, comme pour ne pas voir cette mauvaise pensée, cette pensée semblable à l’esprit de ténèbres, qui vient quand on l’évoque et refuse de partir quand on le lui ordonne.

VII

C’est dans une heure d’obscurité morale que les premières suggestions mauvaises rampent vers l’âme. Elles ressemblent au mendiant qui demande humblement à s’asseoir au coin de notre foyer. Il entre, se réchauffe et mange notre pain. Oublieux de notre dignité, nous causons et rions avec lui, sans crainte et sans soupçon.

Malheur à nous si nous avons donné l’hospitalité à un assassin !

À l’heure de minuit, il se lèvera furtivement, et plongera un poignard dans le sein de son bienfaiteur trop confiant.

Les mauvaises suggestions étouffent la conscience qui veille sur notre probité.

Angélique voyait passer et repasser devant elle, comme dans un enchantement, des figures étranges qu’elle n’avait jamais vues, et parmi toutes ces figures la belle et mélancolique Caroline de St. Castin. Elle crut entendre un bruissement d’ailes, un cri aigu, puis tout rentra dans le silence.

Elle se leva frissonnante, se dirigea vers une table de marbre, où se trouvait une carafe de vin, remplit une coupe de la délicieuse boisson et la vida tout entière. Elle se sentit plus forte. Elle en but une seconde et se mit à rire de sa frayeur.