qui déborde de joie maintenant. Comme vous êtes bon d’être revenu, Le Gardeur ! Mais pourquoi avez-vous été si longtemps sans venir ?
Elle oubliait l’infidélité qu’elle méditait. Elle ramena les plis soyeux de sa robe et lui fit place près d’elle sur le sofa.
— Vous êtes bonne, Angélique ! reprit-il ; je n’espérais pas autant, après l’impertinence dont je me suis rendu coupable au bal du gouverneur. J’ai été méchant, ce soir-là ; pardonnez-moi !
— Je suis plus coupable que vous, Le Gardeur !
Elle se souvenait bien comme elle l’avait blessé, en lui manquant d’égards, et en prodiguant aux autres ses sourires.
— Je vous en voulais, dit-elle, à cause que vous portiez trop d’attention à Cécile Tourangeau.
IX.
Ce n’était pas vrai, mais elle ne se faisait pas scrupule de mentir à un amoureux. Elle savait bien que c’était par dépit, qu’il avait prétendu renouer d’anciennes relations avec la jolie Cécile.
— Mais pourquoi avez-vous fait le méchant, cette nuit-là ? reprit-elle en le regardant fixement.
Elle découvrit une rougeur dans ses yeux : les suites de la dissipation.
— Vous avez été malade ? demanda-t-elle.
Elle se doutait bien qu’il avait bu… pour noyer, peut-être, le chagrin qu’elle lui avait causé.
— Je n’ai pas été malade, lui répondit-il. Voulez-vous savoir la vérité, Angélique ?
— Toujours et tout entière !… Dites-moi pourquoi vous vous êtes fâché.
— Parce que je vous aimais à la folie, Angélique ! et qu’un autre m’a ravi la place que j’occupais dans votre cœur ! Voilà la vérité.
— Non, ce n’est pas là la vérité ! s’écria-t-elle, avec chaleur. Ce ne sera jamais la vérité si je me connais bien… si je vous connais bien ! Mais vous ne savez pas ce que sont les femmes, Le Gardeur ! ajouta-t-elle