Aller au contenu

Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
LE CHIEN D’OR

à la fontaine ne saurait empêcher le flot de couler toujours.

X.

Angélique oubliait presque ses projets tout à l’heure caressés. Elle comprenait que Le Gardeur était peut-être choisi par Dieu pour la sauver. Cependant, son ambition<m et sa vanité luttaient. Cet amour solennel qu’elle venait de promettre, il voltigeait encore sur ses lèvres, comme un oiseau à la porte de sa cage. Elle était tentée de le graver à jamais au fond de son cœur. Tout à coup, elle le chassa brusquement.

C’était toujours la vieille lutte, la lutte aussi ancienne que l’homme ; dans cette bataille du mensonge et de la vérité, l’amour est toujours un peu sacrifié.

L’égoïsme triompha ; elle fut infidèle encore. La pensée de Bigot, la perspective d’une vie de triomphes et de plaisirs la rendirent fourbe dans son âme. Elle encouragea les espérances de son ami et résolut de le tromper.

Le sort en était jeté. Cependant elle dit, la charmeuse cruelle, avec un accent de suave douceur :

— Ferez-vous bien tout ce que vous promettez, Le Gardeur ? Ma volonté sera votre loi ? Mon plaisir sera votre devoir ? Vous serez tout à moi et comme je le voudrai ? Un pareil dévouement m’épouvante !

— Mettez-moi à l’épreuve ; demandez-moi les choses les plus impossibles ! Ordonnez les forfaits les plus noirs que l’esprit puisse méditer et la main exécuter ! et, pour l’amour de vous, Angélique, je ferai tout !

Décidément, Le Gardeur devenait fou. Le reste de vertu qu’il possédait s’était fondu au feu des regards de l’enchanteresse.

— Mais, croyez-vous, fit-elle en riant, que je vais vous donner la mer à boire ? Peu de chose va me satisfaire. Mon amour n’est pas si exigeant que cela.

— Votre frère a-t-il besoin de moi ? demanda Le