Aller au contenu

Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
223
LE CHIEN D’OR

Gardeur. Je lui donne la moitié de ma fortune pour l’amour de vous !

Il savait que le prodigue chevalier Des Meloises était souvent dans la gêne ; tout dernièrement encore il lui avait prêté une forte somme, pour se débarrasser de ses importunités.

Angélique fit semblant de se fâcher :

— Mon frère ? et pourquoi me parlez-vous de lui, s’il vous plaît ? Je n’y pensais seulement pas. C’est de l’Intendant que je veux vous parler. Vous le connaissez mieux que moi.

XI.

Ce n’était pas vrai. Angélique avait étudié Bigot sur toutes ses faces. Elle avait pesé son esprit, jugé sa personne, estimé ses biens. Son œil inquisiteur et curieux n’avait pu toutefois pénétrer son âme tout entière ; car il y avait dans cette âme étrange des ténèbres que l’œil de Dieu seul savait pénétrer. Elle s’était aperçu qu’avec toute sa finesse elle ne l’avait pas encore compris.

— Vous voulez me parler de l’Intendant ! fit Le Gardeur surpris.

— Oui, une idée bizarre, n’est-ce pas !

Et elle se prit à rire de l’étonnement de son ami.

— Je pense vraiment que c’est le plus jovial gentilhomme de la Nouvelle-France, répondit Le Gardeur. Il est franc, généreux avec ses amis, et redoutable à ses ennemis. Son esprit est comme son vin, il ne fatigue jamais, et ne s’épuise pas. En un mot, j’aime l’Intendant, j’aime son esprit, son vin, ses amis, c’est-à-dire quelques uns de ses amis. Mais par dessus tout, je vous aime, Angélique ! et pour l’amour de vous, je l’estimerai davantage, car je sais aussi comme il s’est montré généreux envers le chevalier Des Meloizes.

L’Intendant avait donné au frère d’Angélique un bon nombre de parts dans la grande compagnie, et l’avait enrichi.

— Je suis enchantée de ce que vous voulez bien