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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/248

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LE CHIEN D’OR

devant elle et l’éviter ; elle pouvait aller s’y briser la tête.

Tantôt des pensées douloureuses l’oppressaient ; tantôt de folles imaginations la faisaient sourire : la captive de Beaumanoir, dont elle était jalouse, De Repentigny qu’elle regrettait amèrement de tromper, puis l’Intendant magnifique et les indicibles séductions de Versailles ! Tout cela passait comme des fantômes dans son esprit malade.

La voix de Lisette la tira soudain de sa rêverie.

— Dites-lui que je reçois, et conduisez-le au jardin, répondit-elle à la servante.

— Enfin ! pensa-t-elle, mes doutes vont s’éclaircir. Je saurai quelle est cette femme ! Je vais voir si l’Intendant est sincère.

Je vais le juger, ce froid assassin de femmes ! J’ai honte de mettre son égoïsme en parallèle avec le dévouement de mon beau Le Gardeur De Repentigny.

VI.

L’Intendant entra dans le jardin.

Angélique, comme toutes les femmes qui n’ont que peu de cœur ou qui n’en ont pas du tout, se contrôlait parfaitement. Elle échappa, comme d’un coup d’ailes, aux pensées sombres qui l’obsédaient, et devint toute rieuse.

— Jamais un ami n’est aussi aimable, que s’il vient de lui-même, sans contrainte, fit-elle, en tendant au visiteur distingué sa main légèrement tremblante.

Bigot s’assit près d’elle, sur le siège rustique, au milieu du feuillage. Il la trouvait adorable.

— Le chevalier fait de longues absences ; cependant, si longtemps qu’il demeure loin de ses amis, il ne les oublie pas, et j’en suis fort aise, commença-t-elle.

Elle accompagna ses paroles d’un regard aussi redoutable que la flèche du Parthe.

— J’arrive de la chasse, mademoiselle : si quel-