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LE CHIEN D’OR

Elle rêvait plus que cela ! Elle osait regarder le trône ! Le triomphe de madame De Maintenon serait jeté dans l’ombre !

Toutefois, elle n’était pas comme la laitière de Lafontaine, pour dire oui avant d’être demandée ; et elle avait conscience de sa valeur.

L’ombre de la dame de Beaumanoir ne s’évanouissait pas cependant.

— Pourquoi dire ces choses plaisantes, chevalier ? remarqua-t-elle. Vous savez bien qu’un Intendant royal doit toujours être sérieux.

Laissez ces badinages aux jeunes gens de la ville qui n’ont rien à faire qu’à nous courtiser.

— Des badinages ? Par sainte Jeanne de Choisy ! je n’ai jamais été plus sérieux de ma vie ! exclama Bigot. Je vous fais l’entier hommage de mon cœur.

Sainte Jeanne de Çhoisy !…

C’était un insolent sobriquet donné à la Pompadour, dans les petits appartements. Angélique savait cela, mais Bigot croyait qu’elle n’en connaissait rien.

— Les belles paroles sont comme les fleurs, chevalier ! répondit la jeune fille ; elles sont douces à sentir et charmantes à voir. Mais l’amour se nourrit de fruits mûrs…

Voulez-vous me montrer votre dévouement, je vais le mettre à l’épreuve ?

— Très volontiers, Angélique.

Il s’imaginait que c’était une fantaisie, un caprice dont sa galanterie ou sa bourse aurait vite raison.

— Eh bien ! je demande que le chevalier Bigot ne me parle amour ni dévouement, jusqu’à ce qu’il ait éloigné de Beaumanoir cette dame mystérieuse qu’il sait bien…

Elle le regardait fixement, fièrement !… en disant cela.

— Éloigner cette femme de Beaumanoir ? répliqua l’Intendant, tout étonné. Assurément, Angélique, cette pauvre ombre ne doit pas vous effrayer, ni vous empêcher d’accepter mes hommages !

— Au contraire, chevalier ! J’aime les hommes