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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/254

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LE CHIEN D’OR

hardis. — La plupart des femmes les aiment — mais j’étais loin de croire que l’Intendant de la Nouvelle-France le serait assez pour oser offrir son amour à Angélique Des Meloises, pendant qu’il a sa femme ou sa maîtresse dans sa magnifique retraite de Beaumanoir !

X.

Bigot maudit la malice et la jalousie de ce sexe qui ne se contente pas de la juste part qu’on daigne lui faire, mais veut régner et dominer seul…

Il pensa :

La femme est un despote et n’a nul pitié de celui qui veut régner sur elle.

Il répondit à Angélique :

— Cette dame n’est ni ma femme, ni ma maîtresse, mademoiselle. Elle a cherché un abri sous mon toit ; elle a sollicité l’hospitalité de Beaumanoir

— Je le crois bien, fit Angélique, avec une moue charmante, l’hospitalité de Beaumanoir est aussi large que le cœur du maître.

Bigot éclata de rire.

— Vous autres, mesdames, dit-il, vous êtes sans pitié les unes pour les autres.

— Vous l’êtes plus que nous, vous, messieurs les hommes, quand vous nous trompez avec vos menteuses protestations !

Elle se leva. Son indignation paraissait réelle.

— Vous faites erreur, mademoiselle, répliqua Bigot.

Il commençait à se sentir piqué. Il ne se leva point, cependant.

— Cette femme ne m’est rien, ajouta-t-il.

— Aujourd’hui, peut-être ; mais il n’en a pas toujours été ainsi. Vous l’avez aimée un jour, et elle vit maintenant des restes de cette première affection. Il n’est pas aisé de me tromper, chevalier…

Elle le regardait de haut et ses longs cils où jouait un éclair ressemblaient au nuage sombre bordé, en dessous, d’une frange de lumière.