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LE CHIEN D’OR

se rendre digne de son nom par son esprit et son énergie. Il répliqua :

— Mille mercis, mademoiselle Roy ! C’est rien que pour l’amour des jeunes pensionnaires que nous avons, Drouillon et moi, embrassé la profession d’hommes d’État, de guerriers, de philosophes et d’amis. Nous sommes prêts à diriger vos pas innocents à travers les périls de la ville si vous voulez aller plus loin.

— Hâtons-nous ! fit Louise Roy en ajustant son monocle, j’aperçois le père Michel au coin de la côte de Léry. Il a l’air de chercher des brebis égarées, sieur Drouillon.

VII.

Le bonhomme Michel était le gardien et le factotum du couvent. Il épiait les élèves qui sortaient. II portait des lunettes pour mieux voir, et quelque fois il voyait plus mal ; c’était quand on lui glissait une pièce blanche dans la main. Il mettait dans un vieux sac de cuir tout l’argent de la propitiation. Il aimait les expressions théologiques. Il y avait là dans ce vieux sac le prix de bien des courses au hasard dans les rues de Québec.

Les annales du couvent ne disent ni ce qu’il vit, ni ce qu’il fit cette fois. Mais comme Louise Roy l’appelait son vieux Cupidon, et savait lui mettre le bandeau sur les yeux ; on peut en conclure que les bonnes religieuses ne connurent rien de la charmante promenade des Louise ce jour-là, dans les rues de la cité.

Pauvre bonhomme Michel ! Notre récit serait incomplet si nous ne parlions de sa mort. Il expira dans le monastère à l’âge des patriarches. Avant de remettre à Dieu sa bonne vieille âme, et pour la rendre plus légère dans son vol vers le ciel, il secoua son sac de cuir, et en fit tomber les pièces de toutes sortes qu’il avait reçues des internes, pour garder le secret de leurs promenades défendues.

Les religieuses ne se montrèrent point inexorables.