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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/278

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LE CHIEN D’OR

cependant, les marchands ne parlaient que de la paix. Est-ce qu’elle nous menace sérieusement, Bigot ?

— Si le roi veut qu’elle se fasse elle se fera.

Bigot n’avait pas l’air de mettre de l’importance à cette question.

— Mais votre opinion, chevalier Bigot ? Qu’en pensez-vous ?

L’Intendant lui répondit avec humeur :

Amen ! amen ! quod fiat flatur  ! Le premier fou de Paris peut vous en apprendre plus long que moi sur les faits et gestes des dames de Versailles ; or, ce sont elles qui décident de tout.

— Je crains que la paix ne soit conclue. Que ferez-vous en ce cas, Bigot ?

Des Meloises ne s’apercevait point de la répugnance de Bigot à lui répondre.

— Si le roi fait la paix, répliqua celui-ci, invitus amabam, comme disait cet homme qui épousait une grondeuse.

Il se prit à rire d’un air moqueur et il ajouta :

— Nous ferons pour le mieux, Des Meloises ! Permettez-moi de vous le dire en secret, je me propose de faire tourner les événements à notre avantage.

— Mais si les dépenses de la guerre cessent tout à coup, que va devenir la grande compagnie ?

Des Meloises songeait aux cinq chiffres du dividende.

— Oh ! vous auriez dû arriver plutôt, chevalier, vous auriez vu comment, en prévision de la paix ou de la guerre, les affaires de la grande compagnie ont été réglées.

Soyez certain d’une chose, continua-t-il, la grande compagnie ne criera pas avant d’avoir le mal, comme les anguilles de Melun. Le proverbe dit : Ruse fait plus que force. La grande compagnie doit prospérer, c’est là sa première condition d’existence. Une année ou deux de repos ne seraient point de trop peut-être, pour ravitailler et renforcer la colonie, et alors nous serons prêts encore à crocheter les ser-