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LE CHIEN D’OR

Amélie en est un, mon frère, et elle ne s’en doute pas !

— Hum ! je n’ai jamais mis la main sur aucun de ces parangons, et je serais curieux d’en éprouver une, répondit Des Meloises avec un sourire plein de suffisance. Je ne les crois pas plus invincibles que les autres, ces femmes-là, quand elles oublient de prendre leur bouclier.

— Oui, mais ces femmes-là, comme tu dis, n’oublient jamais leur armure. Elles semblent nées comme Minerve. Je sais bien que tu as trop de présomption pour me croire ; mais va ! cours ta chance, et tu m’en donneras des nouvelles ! Elle ne te donnera ni coups de langue, ni coups de griffes. Elle est grande dame et elle te parlera en reine. Elle te renverra si poliment que tu reviendras avec une haute opinion de notre sexe.

— Moque-toi de moi, comme toujours, Angélique ! On ne sait jamais si tu badines ou si tu moralises. Sois donc sérieuse une fois. Les fortunes des Tilly et des Repentigny sont les plus considérables de la Nouvelle-France ; nous pouvons les conquérir l’une et l’autre si tu veux m’aider.

— Je te souhaite sincèrement ces coffres plein d’or du vieux manoir, et ces terres immenses que le vol des corbeaux ne saurait franchir dans une journée, mais renonces y Renaud, comme j’y renonce moi-même.

VIII.

Angélique s’étendit paresseusement dans son fauteuil. Elle était ahurie. Le chevalier ne voulut point lâcher prise :

— Pourquoi renonces-tu à la fortune des Repentigny, répliqua-t-il ? Elle sera tienne quand tu voudras. Tu n’as qu’à donner ton petit doigt à Le Gardeur… En vérité tu me mets dans l’embarras.

Angélique sourit, cassa une noix comme par distraction, et savoura quelques gouttes de vin.

— Je le sais bien, Renaud, que je te mets dans