Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
LE CHIEN D’OR

l’embarras, fit-elle ensuite tranquillement, mais j’y suis souvent moi-même, va ! Il y a dans le monde tant d’hommes… tant de pauvres, si peu de riches, si peu de cœurs sensibles, surtout, qu’une femme est bien excusable de se vendre au plus haut enchérisseur ! De nos jours, le bonheur de l’amour ne se trouve que dans les romans et chez les laitières.

— Morbleu ! Angélique, tu lasserais la patience de tous les saints du calendrier ! Je plains le malheureux qui t’épousera ! Voici que la plus belle fortune de la Nouvelle-France va tomber entre les mains de Pierre Philibert, que Satan confonde ! une fortune que j’ai toujours regardée comme la mienne !

— C’est ce qui démontre la présomption des hommes ! Tu n’as jamais dit un mot d’amour à Amélie et tu penses qu’elle va se jeter dans tes bras au premier appel !

— Oui, si tu le voulais, Angélique ! mais non, tu es dure comme un roc et tu as plus de caprices et de vanité que toutes les femmes ensemble !

Angélique se leva.

— Tu traites courtoisement mon pauvre sexe, dit-elle avec malice ! Je te laisse avec toi-même : je ne saurais te laisser en plus mauvaise compagnie.

— Tu es acerbe et sarcastique, aussi. Tout ce que je voulais, c’était de nous assurer à tous deux une belle fortune. Je ne vois pas à quoi servent les femmes, si ce n’est à nous contrarier.

— C’est cela ! j’admets que les femmes méritent tout ce que tu penses d’elles ; mais tu devrais être assez poli pour ne pas me le dire en face. Un conseil maintenant, Renaud : étudies le jardinage et peut-être qu’un jour tu deviendras illustre comme le marquis de Vandrière. Cultive les choux si tu ne peux pas cultiver l’amour d’Amélie de Repentigny.

IX.

Angélique savait que Des Meloises n’était pas fort subtil ; sans cela, elle n’aurait pas osé faire cette grosse allusion au frère de la Pompadour. Vandrière