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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/303

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LE CHIEN D’OR

réussissait à extraire des traits d’esprit et des leçons de morale d’une foule de sujets d’où une société plus grave n’aurait tiré que l’essence de la sottise et de l’ennui.

Le joyeux caractère gaulois est indestructible ; il est venu jusqu’à nous dans toute son intégrité. La conquête qui a changé tant de choses n’a pas altéré la gaieté des Canadiens français. Le peuple canadien de l’avenir unira, dans une proportion admirable, les qualités sérieuses de l’Anglais aux grâces, à l’esprit et à l’abnégation des Français, et formera le plus brillant des peuples.

XI.

À quelque distance de la maison, dans un enfoncement ombreux, plusieurs tables immenses avaient été dressées. Des centaines de personnes pouvaient s’y asseoir. Et Dieu sait si une seule place restait vide ! Tous les employés du bourgeois étaient réunis là avec leurs, familles. Des gens qui mangeaient comme des Gargantua et buvaient comme des tonneaux… les tonneaux des Danaïdes ! qui riaient à faire éclater les arbres, et chantaient à étourdir le ciel. Oh ! les joyeux convives du plus hospitalier des maîtres, comme ils s’amusaient bien ! et comme le bourgeois était ému de leur gaîté ! comme il était content de leur joie !

Gabet, maître Guillot Gabet, le cuisinier de la maison, avait chargé ces tables des mets les plus nourrissants, laissant le menu pour des bouches plus délicates. Les pâtés abondaient, la collection en était vraiment riche. Il y en avait un, entre autres, qui aurait pu être comparé au Mont Blanc, supposé, bien entendu, que les autres pâtés eussent formé les Alpes. Ce roi des pâtés avait été destiné, dans l’esprit de son créateur, à une table plus digne et à des bouches plus nobles. Il devait être l’ornement de la grande salle à manger. Mais dame Rachel en décida autrement. Gabet en ressentit du dépit.