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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/344

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LE CHIEN D’OR

s’ébranler. Elle sentait bien qu’il la regardait avec une ardeur extrême, et ce regard lui faisait mal.

Elle devint pâle et fit un effort pour dire : Non. Sa gorge oppressée ne rendit aucun son, un râle peut-être. Elle ne voulait pas répondre oui, cependant.

Ah ! si l’inhumaine Angélique avait voulu lire un instant dans ces yeux chargés d’amour, de franchise et de dévouement qui s’ouvraient sur elle comme des ailes de flamme pour la couvrir et l’enivrer ! tout ce malaise, ce trouble, ce tourment auraient fini dans un assentiment accompagné de larmes de bonheur ! et le tragique récit que nous faisons n’aurait jamais été écrit.

Il ne devait pas en être ainsi !…

Elle ne leva point la tête. Elle contemplait les passions de son cœur qui s’éveillaient encore. Elle voyait surgir encore la terrible vision de tantôt. Les pensées mauvaises que l’on a une fois appelées, reviennent aisément et d’elles-mêmes ! Elles s’établissent en souveraines dans nos cœurs et nous devenons à jamais leurs esclaves !

VI.

— Angélique ! demanda encore Le Gardeur, d’une voix suppliante et passionnée, voulez-vous être ma femme !… ma femme bien-aimée !… la plus aimée des femmes ?

Elle faiblissait. La supplication était si touchante, si pleine de sincérité ! Elle cherchait une réponse, mais une réponse qui n’aurait rien dit. Elle voulait répondre : oui, pour faire comprendre : non, ou : non, de manière à laisser espérer toujours.

— Toute la Nouvelle-France viendra rendre ses hommages à la châtelaine de Repentigny, reprit Le Gardeur, et ma femme sera la première et la plus belle !

Pauvre Le Gardeur ! il se doutait un peu qu’Angélique regardait la France comme le seul théâtre digne de ses talents et de sa beauté.