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LE CHIEN D’OR

Elle était là, toujours muette, et pâlissant de plus en plus. Elle se transformait en une statue de marbre. Elle n’osait plus décourager une si violente affection. Cependant, il lui semblait qu’elle allait se perdre elle-même. Un léger frémissement des lèvres trahit les efforts de la lutte, et elle porta une main à ses yeux pour les couvrir, car elle sentait qu’une larme allait couler.

— Angélique ! exclama Le Gardeur, qui pressentait un refus maintenant, Angélique ! pourquoi vous détournez-vous ainsi de moi ? Vous rejetteriez mes vœux ?… Mais je suis un insensé d’avoir une telle pensée !… Parlez, ma chérie ! un mot, un signe, un regard de ces yeux que j’adore, pour me dire que vous consentez à devenir ma femme ! et pour nous deux, ce sera toute une vie de félicité !

Il lui prit la main et lui découvrit les yeux ; mais elle se détourna de nouveau. Elle n’osait pas le regarder.

Alors, d’une voix basse et faible, elle murmura :

— Le Gardeur, je vous aime !… mais je ne puis vous épouser…

Elle ne put rien dire de plus, mais elle lui saisit la main avec frénésie, comme pour le retenir mieux à ce moment cruel où elle le désespérait.

VII.

Il se retira vivement comme au contact du feu.

— Vous m’aimez et vous ne voulez pas m’épouser, Angélique ! répéta-t-il avec lenteur… Quel est ce mystère ? Mais c’est une épreuve, que vous voulez me faire subir !… Merci mille fois de votre amour ! Le reste n’est qu’une plaisanterie, n’est ce pas ? une bonne plaisanterie dont il faut rire !…

Il essaya de rire, en effet ; mais elle ne riait pas elle. Elle était pâle et tremblante, comme au moment de défaillir.

Elle posa sa main sur celle de Le Gardeur une main lourde et implacable, comme un froid acier.