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le chien d’or

III.

Près de la porte St. Jean, ils virent deux dames qui encourageaient, par leur présence et leurs bonnes paroles, un nombreux parti d’habitants. L’une, d’un âge avancé, mais belle encore et d’un aspect noble, était la riche et puissante Seigneuresse de Tilly ; l’autre, une orpheline, dans la fleur de la jeunesse et d’une amabilité sans égale, était sa nièce, la belle Amélie de Repentigny. Elle s’était fait un devoir d’accompagner, à Québec, sa tante et les censitaires de Tilly, curieuse, du reste, d’être témoin de l’achèvement des fortifications.

Amélie de Repentigny semblait taillée par un habile ciseau dans le plus beau marbre de Paros, mais dans un marbre resplendissant des lueurs du matin ; elle avait cette perfection de formes que la nature n’accorde qu’à ses favoris, rarement, et pour montrer ce qu’est la beauté. Elle était grande et sa tête fine paraissait plus petite qu’elle n’était réellement. Son regard avait un grand charme et elle unissait, dans ses mouvements comme au repos, des grâces merveilleuses à un enjouement quelque peu fantasque ; ainsi une gazelle apprivoisée garde toujours quelque chose de la sauvagerie de sa vie de liberté.

Ses cheveux noirs et épais couronnaient admirablement son front et tombaient en boucles soyeuses ; ses regards humides et profonds, francs et modestes, se reposaient avec tendresse sur les objets innocents, et sans crainte sur les menaçants ; ils s’attachaient à vos regards et scrutaient mieux vos pensées, et comprenaient vos intentions mieux que si vous eussiez parlé. Rien ne semblait vouloir se soustraire à leur innocente curiosité quand ils interrogeaient.

Ils annonçaient un riche caractère, un amour capable des plus grands sacrifices pour l’objet digne de lui. Amélie de Repentigny ne voulait pas donner son cœur au hasard. Quand elle le donnerait ce serait pour toujours et elle ne le regretterait jamais.

Les deux femmes portaient des vêtements de deuil.