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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/386

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le chien d’or

hommes, et qu’elles aiment à se mêler de tout ! cela nous épargne bien des tracasseries et de l’ouvrage.

XI.

— Que dites-vous, José ? demanda Félix, qui n’avait guère compris.

— Je dis, maître Félix, que sans notre mère Ève la malédiction ne serait pas tombée sur la tête de l’homme ; qu’il n’aurait point travaillé malgré lui, comme cela arrive souvent, et surtout qu’il n’aurait point péché…

Ah ! le curé l’a bien dit ! Nous aurions pu passer les jours à nous chauffer au soleil, mollement étendus sur l’herbe épaisse… Maintenant, si vous voulez vous sauver corps et âme, travaillez, priez et ne vous amusez point !… Maître Félix, j’espère que vous ne m’oublierez pas si je vais au manoir ?

— Je ne t’oublierai pas, José, répondit Félix, sèchement. Mais si le travail est le fruit de la malédiction que notre mère Ève a attirée sur le monde en mangeant de la pomme, elle ne pèse guère sur toi cette malédiction. Voyons ! fais avancer les voitures, et range-toi, que madame passe…

José s’empressa d’obéir. Madame de Tilly passa au bras de Pierre Philibert. Il ôta son bonnet et la salua profondément. Elle monta dans son carrosse.

Deux chevaux canadiens aux pieds mordants et sûrs comme ceux des boucs et forts comme ceux des éléphants, tirèrent la pesante voiture, au grand trot, sur le chemin qui serpentait tour à tour à travers les champs dorés et les bois touffus.

Après une demi-heure de course ils s’arrêtaient à la porte du manoir.

Ce manoir était une grande bâtisse en pierre, de forme irrégulière avec des fenêtres profondément enfoncées dans les murs et garnies de cadres grossièrement sculptés. À chaque coin s’élevait une tourelle percée de meurtrières, et crénelée de manière à faire un feu d’enfilade de tous les côtés sur les ennemis qui se présenteraient.