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LE CHIEN D’OR

une sincère étreinte. La main d’Amélie s’attarda un moment dans celle de Philibert. Ce fut lui qui la retint, mais si peu de temps que Dieu seul s’en aperçut, Dieu, elle et lui !

Amélie sentit une effluve chaude lui brûler les joues : elle détourna les yeux.

L’amour se manifeste d’une façon merveilleuse par ce toucher de la main si fugitif qu’il soit. Il est le prélude mystérieux de cette étrange, intime et ravissante liaison qui va pour toujours unir deux personnes.

Ils comprirent tous deux ce qu’ils ne s’étaient pas encore avoué. Le silence d’un instant leur révélait de plus doux secrets que les entretiens tant de fois recommencés.

IV.

Il y a de ces moments qui sont toute une vie. Nos amours, nos espérances, nos déceptions tiennent dans la goutte de fiel ou de nectar que nous buvons. Nous sommes arrivés à une étape nouvelle ; le passé s’efface complètement et le présent se forme de tout ce qu’il contenait. C’est la fin d’une existence déjà vieille et le commencement d’une nouvelle carrière.

Pierre Philibert se sentait aimé et il était triste. Non, il demeurait grave et silencieux. Amélie perdait aussi sa gaieté. C’était le recueillement de l’âme à l’annonce de la félicité longtemps attendue ; c’était l’enivrement de l’esprit dont les rêves caressés prennent une forme indestructible et deviennent la réalité.

Le Gardeur ne soupçonnait point la cause de leur silence. Il croyait qu’ils prenaient de la peine à son sujet, et s’efforçait de se rendre aimable. Il leur montrait diverses choses, dans ce paysage enchanteur, et racontait les souvenirs qu’elles rappelaient.

Ils s’assirent tous trois sur une longue pierre, un immense caillou apporté là probablement depuis des millions d’années, par quelque banquise vagabonde, alors que l’océan glacial s’étendait sur une grande partie de l’Amérique. Peu à peu l’enjouement re-