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LE CHIEN D’OR

Tilly s’était montrée impitoyable. Elle voulait protéger le sommeil de ses gens.

Philibert reconnut l’appel d’autrefois. C’était le même cor qui vibrait sous les bois, le même souffle qui le remplissait.

— C’est Éole ! dit-il.

Éole, c’était le sobriquet du vieux serviteur.

— Vous vous souvenez de lui ? demanda Amélie.

— Oui, et je me souviens, qu’un jour, nous l’avons suivi sous les bois, ou plutôt c’est lui qui nous accompagnait. Il faisait chaud ; il était fatigué ; il ne trouva rien de mieux à faire qu’à s’étendre à l’ombre et dormir. Nous nous enfonçâmes dans la forêt et un instant après nous étions égarés.

— Je m’en souviens comme si c’était hier, Pierre : oui, je m’en souviens ! j’ai bien pleuré alors, je m’en tordais les mains de désespoir. J’avais faim ; ma robe était tout en lambeaux ; j’avais perdu un soulier…

Oui, je m’en souviens ! Le Gardeur et vous, vous étiez aussi découragés que moi et cependant vous me portiez tour à tour, ou ensemble sur vos mains enlacées comme une chaîne. Mais vos forces s’épuisèrent et tous ensemble nous tombâmes au pied d’un arbre en pleurant.

Et alors nous nous rappelâmes toutes ces histoires d’enfants perdus dans les bois, et d’ours qui s’approchaient d’eux en grognant pour les dévorer… Je me souviens que nous nous mîmes à genoux pour réciter nos prières, et pendant que nous demandions au bon Dieu de nous prendre en pitié, nous entendîmes soudain les éclats de la trompette du vieux Éole.

Il était tout près de nous… Et comme il soufflait, comme il soufflait dans son cuivre pour se faire entendre !… Le pauvre homme, il était si content de nous retrouver, il nous embrassait si fort, il nous secouait si violemment que nous aurions aimé autant être égarés encore.