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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/423

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le chien d’or

et des souffles brûlants passèrent dans le feuillage et sur la face des eaux.

La lune se cacha et des vagues ténébreuses remplacèrent les reflets argentés qui jouaient sur les cimes des rochers et le gazon des prairies. De longs éclairs parurent envelopper la forêt lointaine d’un manteau de flamme.

Amélie eut peur et elle se mit à trembler :

— Oh ! Pierre, dit-elle, il me semble que c’est une voix prophétique qui nous annonce des malheurs, serait-il possible que Dieu ne voulut pas notre union ? Oh ! dites-moi que rien ne nous séparera plus maintenant !

— Rien, Amélie ! Ne craignez pas : mon amour, c’est l’orage qui gronde là-bas. Le Gardeur va sans doute accourir au devant de nous. Nous allons partir un peu plus tôt, voilà tout. Le ciel ne peut que bénir notre amour, ô ma bien aimée !

— Je vous aimerais toujours, quand même, murmura Amélie.

VI.

Un bruit de voix se fit entendre, suivi aussitôt du battement vif et dru des avirons dans l’eau. Les canots arrivèrent au rivage comme une volée de cygnes qui cherchent un refuge contre la tempête.

Les préparatifs du départ se firent à la hâte. On éteignit le feu avec grand soin, de peur qu’une étincelle oubliée ne consumât la forêt. Les paniers furent entassés dans les embarcations.

Philibert et Amélie montèrent dans le canot de Le Gardeur. Ils prétendirent qu’ils auraient bien aimé à faire le tour du lac avec les autres, aux accords des flûtes et de la guitare, et que c’était par malice qu’ils avaient été oubliés au pied d’un grand chêne.

Les nuages montaient à l’horizon du sud ; il n’y avait pas de temps à perdre. Les canots s’élancèrent à la fois sur la rivière sombre. Les rameurs silencieux étaient courbés sur leurs avirons comme pour une lutte sans merci.