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le chien d’or

la pensée du mariage ne lui était pas venue un seul instant. Il n’avait jamais desserré les lèvres à ce sujet. Il avait un peu deviné la vaste ambition d’Angélique, de même qu’elle entrevoyait son astuce et sa perversité, à lui. Pour dire vrai, ils ne se ressemblaient pas mal. Deux caractères qui se valaient ! Défiants tous deux, tous deux pleins d’ambition, sans principes, et nullement scrupuleux sur les moyens. L’un fasciné par les séductions de l’amour, l’autre éblouie par l’esprit, l’argent et les promesses de l’ambition.

— Vous avez raison de m’appeler un misérable pécheur, dit Bigot en souriant… Misérable, non pourtant, mais pécheur ! S’il y a péché à aimer une jolie femme, oui, je suis un grand pécheur ! Et là, à cet instant même, Angélique, je pèche assez gravement pour attirer la malédiction sur tous les anges et les saints qui m’entourent !…

— Vous avez attiré la malédiction sur moi, Bigot, répondit Angélique en déchirant par lambeaux, sans s’en apercevoir, le superbe éventail qu’elle tenait. Vous aimez tellement toutes les femmes que vous ne pouvez fixer votre choix.

Une larme de dépit brilla sous ses longs cils.

— Venez, Angélique, venez, reprit l’Intendant d’une voix mielleuse, voici des promeneurs qui entrent dans la grande allée. Descendons vers la terrasse. La lune fait étinceler les vagues du grand fleuve. Venez, je vous le jure par St Picot, mon patron, que je n’ai jamais trompé ; l’amour dont mon cœur n’a pu se défendre jusqu’à présent ne saurait m’empêcher de reporter pour jamais toutes mes affections sur vous.

Angélique ajoutait presque foi à ces protestations. Elle supposait difficilement qu’une autre femme put lui être préférée, quand une fois elle avait dit à un homme qu’elle l’aimait.

XI.

Ils s’aventurèrent dans une longue allée brillam-