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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/439

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le chien d’or

à voir ; qu’elle s’amuserait auprès de la fontaine. Elle aimait cette pluie de perles et ce gai bruissement ; cela rafraîchissait. Il pourrait revenir dans une demi-heure, il la retrouverait là. Elle avait besoin d’être seule. Au reste pourquoi demeurer avec elle lorsque d’autres désiraient le voir et qu’il désirait en voir d’autres.

L’Intendant insista encore, de la façon la plus courtoise et la plus galante, mais quand il vit qu’elle désirait réellement demeurer seule, il la quitta, en lui promettant de revenir au bout d’une demi-heure. Il pensait aussi qu’il ne fallait pas trop sacrifier à une seule idole, quand il y en avait une centaine d’autres toutes belles et magnifiquement parées qui attendaient ses hommages.

Angélique s’assit en face de la fontaine, et ces gouttelettes brillantes qui s’élançaient sans cesse pour retomber toujours, lui parurent comme les vains artifices qu’elle déployait pour captiver l’Intendant.

Elle était grandement inquiète. Elle ne pouvait toujours pas comprendre cet homme qu’elle s’était flattée de mettre si vite à ses pieds, et c’est elle, peut-être, qui allait devenir son esclave. Elle cherchait ses chemins et partout, comme un obstacle infranchissable, se dressait l’ombre de Caroline.

— C’est donc cette vile créature qui est plus forte que moi ! pensait-elle dans sa colère. C’est elle qui excite la pitié de Bigot et le fait se souvenir d’un amour déjà vieux ! Elle sera cause de la ruine de mes espérances !… Ah ! me voilà bien avancée maintenant que j’ai rejeté Le Gardeur ! Bigot l’aime cette femme ! À elle les prémices de son cœur ; à moi les cendres de ses amours ! à elle les épanchements d’une tendresse sincère, à moi les paroles de mensonge ! Il m’outrage en prétendant m’aimer. Il ne m’épousera jamais tant qu’elle sera là, elle, entre lui et moi !…

XV.

Ces pensées noires étaient comme une volée d’oi-