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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/440

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LE CHIEN D’OR

seaux de mauvais aigure, corbeaux, chouettes et hiboux, qui hantaient l’âme d’Angélique. Elle ne les chassa point, mais leur permit d’y séjourner et d’y faire leurs nids.

Pendant qu’elle s’abandonnait ainsi à la tristesse et au mécontentement, elle entendit des éclats de rire.

Elle leva la tête pour voir d’où venait cette joie insolente, et elle aperçut l’Intendant, qu’une bande de jeunes filles venaient d’assaillir avec des fleurs et des compliments, au moment où il arrivait à l’escalier de la terrasse.

Il riait, badinait, gesticulait de l’air le plus heureux du monde, et paraissait l’avoir bien complètement oubliée. Elle ne tenait pas à le garder près d’elle alors, et elle ne se sentit pas blessée comme elle l’aurait été d’un manque d’attention de la part de Le Gardeur ; mais elle avait la preuve une fois de plus de l’inconstance de cet homme et de la courte durée de ses impressions. Ni elle, ni aucune de ces jolies jeunes filles qui le captivaient alors, ne pouvaient se flatter de rester longtemps dans sa mémoire !

Le bal avait un moment de réveil ; les invités rentraient après avoir savouré les arômes du jardin, et la danse recommençait plus vive et plus animée que jamais. Les instruments à cordes remplissaient l’immense salle de leurs voluptueuses harmonies, et, dans leurs chaînes cadencées, les danseurs passaient et repassaient vis-à-vis des grandes fenêtres ouvertes sur la terrasse, comme les météores flamboyants du ciel.

Bigot n’avait pas oublié Angélique. Il ne s’oubliait pas lui-même. Il voulait continuer à la voir, à l’aimer, sans pour cela jamais l’épouser. Il était assez habile pour la dompter et la mettre à ses pieds. Il le croyait du moins.