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le chien d’or

pagnes pour leur dire comment Angélique avait reçu la grande nouvelle. Ce dernier récit ne fut bas moins embelli que l’autre. Il aurait fallu entendre ce plaisant babillage et voir ces petits plis moqueurs des lèvres roses ! Elles se flattaient d’avoir les premières annoncé la mauvaise nouvelle. Elles se trompaient. Angélique savait déjà qu’Héloïse de Lotbinière, son ancienne compagne de couvent, était au manoir de Tilly.

Elle pressentait un danger. Héloïse aimait beaucoup Le Gardeur, et elle le ferait tomber dans ses pièges, sans doute, maintenant qu’il était repoussé ailleurs…

Elle osait appeler : des pièges, le caractère aimable et la beauté chaste de sa rivale !

III.

Elle se laissait aller au ressentiment sans raison aucune, et elle le savait bien ; cela même l’irritait davantage de n’avoir pas de motif. Bigot revint la trouver dès que la demi-heure fut écoulée. Elle lui dit à brûle pourpoint :

— Vous m’avez demandé quelque chose, Bigot, au château St. Louis, vous en souvenez-vous ? Nous étions appuyés sur la galerie qui domine la falaise.

— Je m’en souviens. Peut-on oublier ce que l’on demande à une jolie femme ? Peut-on oublier, surtout, la réponse qu’elle nous fait ?

— Cependant vous me semblez avoir oublié la demande et la réponse. Voulez-vous que je vous les répète ? ajouta-t-elle avec un faux air de langueur.

— Inutile, Angélique. Et pour vous prouver la ténacité de ma mémoire, de mon admiration, devrais-je dire, je vais vous demander encore ce qu’alors je vous ai supplié de m’accorder.

Je vous ai demandé, cette nuit-là… Ô la belle nuit ! Nous regardions le fleuve ; il étincelait comme un ciel étoilé ; la lune nous inondait de ses clartés suaves ; mais vos regards étaient bien plus brillants que les astres de la nuit !… Je vous ai demandé