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le chien d’or

d’Angélique. Elles contrefaisaient, pour les faires rire, ses gestes et ses manières. Elles la haïssaient disaient-elles, à cause de ses airs singuliers ; et malgré cela elles essayaient de l’imiter en toute chose.

— Angélique aime à danser avec le chevalier de Péan, reprit madame Couillard qui voulait ramener la conversation sur un terrain moins personnel. Elle trouve sans doute que ses grâces ressortent mieux à côté de ce magot.

— Elle peut bien le trouver ! Il n’y a pas, dans toute la Nouvelle-France, un homme aussi laid que de Péan ; c’est l’opinion de mes filles ! repartit madame de Grand’maison avec malice.

Le laid mais riche chevalier de Péan avait dédaigné ses filles.

V.

— Oui, pensa madame Couillard, elle peut le trouver laid ! il n’a pas fait attention à ses filles ce soir ; et pourtant, elles l’ont joliment poursuivi de leurs regards suppliants.

Après cette pensée peu charitable, elle dit avec une politesse affectée :

— Mais il est fort riche, assure-t-on ; aussi riche que Crésus, et il a une grande influence sur l’Intendant. Je ne connais guère de jeunes filles, aujourd’hui, qui ne le trouveraient point fort acceptable avec ses écus. Angélique sait qu’en dansant avec lui elle attire les regards de Bigot, et cela lui suffit. Pour montrer à l’Intendant ses pas agiles, elle danserait avec un revenant.

— C’est une effrontée ! exclama madame de Grand’maison, et si mes filles osaient provoquer en dansant, une admiration aussi honteuse, je leur couperais les pieds !

Elle accompagna cette énergique déclaration d’une moue dédaigneuse et d’un regard chargé de mépris. Elle continua :

— J’ai toujours enseigné à mes filles des manières