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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/47

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le chien d’or

quiète et presque indignée. Elle s’interrogea sérieunsement pour voir si elle n’avait pas, en quelque chose, failli à sa réserve et à sa modestie de jeune fille, en s’occupant ainsi de lui. Ses craintes étaient comme des épines qui déchiraient ses chairs vierges, et plus elle se contemplait plus elle tremblait de se trouver coupable.

Ses tempes battaient violemment ; elle n’osait lever les yeux, de crainte que quelqu’un, fut-ce même un étranger, ne vit sa confusion et n’en devinât la cause.

— Ô Vierge Marie ! murmura-t-elle en pressant de ses deux mains sa poitrine agitée, ô Vierge Marie ! rends la paix à mon âme ! je ne sais plus que faire !…

Assise seule dans l’embrasure de la muraille, elle vécut en quelques minutes toute une vie d’émotions. Elle ne trouva point le calme jusqu’au moment où elle comprit soudain qu’elle se désespérait en vain. Il n’était pas probable du tout que le colonel Philibert put, après une si longue absence et une vie aussi active, se souvenir encore de la petite écolière du manoir de Tilly. Elle pourrait le rencontrer, elle le rencontrerait, bien sûr, dans cette société où ils allaient tous deux ; mais il la traiterait sans doute comme une étrangère, et de son côté, elle agirait de même à son égard.

Forte de ce vain argument, Amélie, comme les autres femmes, mit sur son cœur une petite main de fer gantée de soie, et puis en étouffa tyranniquement les avertissements. Elle paraissait triompher, mais elle était vaincue. Certaine, maintenant, de l’indifférence de Philibert et de son oubli profond (indifférence et oubli tout imaginaires), elle pouvait le voir sans rien craindre pour sa tranquillité ; bien plus, elle désirait le rencontrer pour se prouver à elle-même qu’elle ne s’était pas rendue coupable de faiblesse à son égard.

Elle leva les yeux et vit avec plaisir que sa tante et l’évêque causaient avec plus d’animation que jamais d’un sujet qui leur était fort cher à tous