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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/470

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le chien d’or

III.

Angélique venait d’entrer dans un monde nouveau, un monde de pensées mauvaises et de tentations caressées, un chaos, un gouffre lugubre, où des sifflements de démons lui répétaient sans cesse cette parole fatale : sa vie ! sa vie ! sa vie !

Et la pensée de haine qui l’avait terrifiée naguère reprenait une forme plus séduisante. Sa rivale, comme elle appelait l’infortunée captive de Beaumanoir, sa rivale venait d’être condamnée par celui qui était son maître !

Mais comment accomplir cette chose qu’elle n’osait nommer ? La question était épineuse pour une personne nullement habituée au crime. Le forfait se présenta à ses esprits sous mille formes terribles ; elle tropva mille genres de mort différents. Elle choisit le premier, puis le rejeta pour un autre, puis pour un autre encore ; dans son trouble, elle ne put s’arrêter à aucun.

Elle se leva et tira vivement le cordon de la sonnette. La porte s’ouvrit, et Lisette parut avec son œil vif et sa bouche rieuse. Ce n’était pas Lisette qu’elle voulait. La malheureuse Angélique repoussait sa dernière planche de salut. Sa résolution était prise.

— Ma chère maîtresse, commença Lisette, vous devez être fatiguée, vous devez avoir besoin de sommeil. Il est presque jour. Puis-je vous être utile ?

La petite parleuse ne donnait seulement pas le temps à sa maîtresse de dire ce qu’elle voulait.

— Non, Lisette, je ne m’endors point : je ne me déshabille point maintenant : j’ai beaucoup à faire encore. Il faut que j’écrive. Envoyez-moi Fanchon Dodier.

Angélique comprenait qu’il fallait tromper Lisette d’abord. La servante sortit sans dire un mot, mais un peu froissée, et elle alla prévenir Fanchon.

IV.

Fanchon monta aussitôt. Elle avait dans les yeux