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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/472

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le chien d’or

Elle est partie de France secrètement, mystérieusement, paraît-il, mais je n’ai jamais su pourquoi. À saint Valier, les gens avaient coutume de branler la tête et de se signer quand ils parlaient d’elle. Ils font la même chose aujourd’hui quand ils parlent de ma tante Josephte, la Corriveau, comme ils l’appellent, et ils ont peur de son mauvais œil noir, comme ils disent. C’est une femme redoutable que ma tante Josephte, madame ! mais elle peut vous dire le passé, le présent et l’avenir… Si elle poursuit le monde de ses injures et de son mépris, c’est parce qu’elle connaît tout le mal qu’il fait. Le monde lui rend bien ses outrages, mais il a peur d’elle en attendant.

— Mais est-ce que ce n’est point mal, est-ce que ce n’est pas défendu par l’Église, de consulter une pareille créature, une sorcière ? demanda Angélique.

— Oui, madame. Cependant, les jeunes filles la consultent quand même, dans leurs peines et si elles perdent quelqu’objet. Il y a aussi bien des hommes qui vont l’interroger pour savoir l’avenir et ce qu’ils doivent faire en certaines circonstances. Puisque les prêtres ne peuvent pas dire à une jeune fille si son amoureux lui est fidèle, je ne vois point pourquoi il serait défendu d’aller le demandera la Corriveau.

V.

— Je n’oserais pas consulter votre tante, Fanchon : les gens riraient de moi.

— Mais, il n’est pas nécessaire que le monde le sache, madame. Au reste, il paraît que ma tante possède des secrets qui feraient pendre ou brûler la moitié des femmes de Paris, s’ils étaient divulgués. Elle les tient de sa mère et les garde fidèlement. Son plus proche voisin n’en a jamais entendu souffler mot. Elle n’aime point les bavards, n’a pas d’amis et n’en a nul besoin. Si vous voulez la consulter, ne craignez rien, elle est la discrétion même.

— J’ai entendu dire qu’elle est, en effet, bien habile et bien redoutable, votre tante ; mais je ne