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le chien d’or

Cujon, le sommelier, de louer un canot sauvage. Je ne veux pas vous faire conduire par des canadiens, car ils ne feraient pas la moitié du chemin avant de vous arracher votre secret. Vous descendrez en canot et vous remonterez par terre avec votre tante. Comprenez-vous bien ? Amenez-la ici cette nuit, et pas avant minuit. Je laisserai la porte entr’ouverte, afin que vous ne fassiez point de bruit. Vous la conduirez immédiatement à ma chambre. Soyez prudente ! allez vite ! et pas un mot à qui que ce soit !

— Soyez tranquille, madame ; nous ne ferons pas assez de bruit pour effrayer une souris, seulement ! affirma Fanchon toute radieuse et fière de l’entente secrète qui existait maintenant entre elle et sa maîtresse.

— Encore une fois, Fanchon, gare à votre langue ! Si vous me trahissez, aussi sûrement que vous êtes en vie, je vous la couperai !

— Oui, madame !…

Sa pauvre langue, paralysée par la crainte, lui resta entre les dents et elle la mordit cruellement, comme pour l’avertir de son devoir.

— Vous pouvez partir, dit Angélique. Voici de l’argent. Vous donnerez cette pièce d’or à la Corriveau, pour lui prouver que j’ai besoin d’elle. Les canotiers chargeront probablement le double pour la traverser.

— Non, madame ; généralement ils ne lui chargent rien du tout, répliqua Fanchon. Ce n’est pas l’amour qui les rend si généreux, je pense bien ; mais la crainte. Antoine Lachânce, l’un des canotiers, dit, lui, qu’elle porte à la piété autant qu’un évêque, et qu’il se récite plus d’Ave Maria dans le canot où elle embarque, que dans tout Paris, le dimanche.

VII.

Je devrais, aussi moi, réciter mes Ave Maria, dit Angélique, quand Fanchon fut sortie ; mais ma langue se dessèche et ma bouche est une fournaise d’où les mots de la prière ne sortent plus !… Cette fille,