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le chien d’or

IV.

À Paris, la terreur dura longtemps. Les mets restaient intacts sur les tables ; personne n’osait vider sa coupe de vin. Chacun allait sur le marché, faire sa provision de denrées ; chacun cuisait ses aliments, mangeait seul, dans sa chambre… Mais, vaines précautions ! la fatale poudre était semée sur l’oreiller qui vous invitait au sommeil, l’aqua tofana versée comme une rosée fraîche et subtile sur les bouquets de fleurs… que dis-je ? le pain des hôpitaux, la table frugale des couvents, les hosties consacrées, le vin du sacrifice, tout ! tout fut sali, profané, souillé, par le diabolique poison !

Un jour, une petite fiole d’aqua tofana fut trouvée sur la table de la duchesse de la Valière. De là, grande agitation à la cour. Une rivale jalouse qui voulait hâter la chute de l’infortunée Louise, déjà quelque peu délaissée, avait apporté secrètement cette fiole mortelle. Elle espérait que le soupçon s’élèverait implacable contre la plus douce des créatures.

L’étoile de la Montespan resplendissait à l’orient. Son lever était glorieux. L’étoile de la Valière se couchait au milieu des nuages de l’occident. Mais le roi devina la ruse infâme, et continua à honorer de sa confiance la seule maîtresse qui l’ait aimé sincèrement et pour lui-même. Tout en lui gardant son estime, cependant, il recherchait de nouvelles amours. Louise sut alors prouver la vérité de son attachement en renonçant aux honneurs, aux richesses, aux splendeurs de la cour, pour se vêtir de bure et s’enfermer dans le cloître sévère des carmélites.

Le roi, irrité de ces lâches moyens de la jalousie, alarmé à l’aspect du poison qui se glissait jusque dans son palais, institua sur le champ la Chambre Ardente.

Cette Chambre Ardente était un tribunal chargé de découvrir, de juger et de faire brûler les assassins