Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/483

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
471
le chien d’or

Le mariage fut peut-être béni, mais il demeura stérile. Nul ange ne vint tendre ses petits bras comme pour exciter la tendresse maternelle, et amollir la dureté de ce cœur. La femme Dodier maudit sa stérilité, et livra son âme à toutes les passions mauvaises. Mais elle fut aussi adroite que méchante, et sut longtemps déjouer les soupçons. Elle faisait une aumône par ostentation et les bonnes gens l’attribuaient à la charité ; elle disait la bonne aventure aux jeunes filles, et les jeunes filles la trouvaient aimable ; elle avait des paroles vides comme des bulles d’air, mais parées des plus vives couleurs de l’amitié.

Elle était haïe et redoutée de ses voisins.

Néanmoins, bien qu’on fît le signe de la croix sur la chaise où elle s’asseyait, on lui souhaitait la bienvenue quand elle entrait, et le bonsoir quand elle sortait. Elle allait chez le riche et chez le pauvre ; elle faisait des dupes partout, et partout, au lieu de la maudire, on lui donnait de l’argent ou des remerciements.

VIII.

Elle se croyait au-dessus de tous les gens qui l’entouraient, à cause des horribles secrets de famille qu’elle savait, et elle se disait avec une superbe étrange, qu’ils ne vivaient tous que par sa permission. Elle pouvait les anéantir en un clin d’œil. Il y avait quelque chose de sublime dans cette satanique vanité.

Pour elle, l’amour ne fut qu’un moyen d’arriver à ses fins cupides. Elle ne le ressentit jamais et ne s’occupa jamais de l’inspirer, excepté par intérêt. Tous les sentiments nobles s’étaient éteints dans son âme comme la flamme d’une lampe où il n’y a plus d’huile. Seules au fond de son cœur grouillaient l’avarice sordide avec la haine de la société.

Sa mère, Marie Exili, sur le point d’expirer, l’avait appelée auprès d’elle pour lui commander de ne point se livrer à la pratique des sciences occultes,