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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/485

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le chien d’or

loin. Il y a encore du mérite à s’arrêter là ; l’entraînement est si vif, la Providence, réellement, nous devra récompenser de notre bonne volonté !…

X.

Fanchon Dodier partit de bonne heure pour aller trouver la Corriveau, comme le voulait mademoiselle Des Meloises. Elle ne traversa pas le fleuve pour suivre ensuite la route trop fréquentée de Lévis à Saint Valier, mais elle se rendit au quai de la Friponne où l’attendait un canot avec deux indiens.

Elle évitait ainsi des rencontres qui pouvaient devenir un sujet d’embarras. Il fallait tout prévoir, et Angélique n’avait rien oublié.

Elle n’avait pas oublié, non plus, que si la Corriveau la servait pour de l’argent, pour de l’argent elle pouvait aussi la trahir. Il était donc sage de la rendre solidaire.

Sur la grève de Stadacona, comme on appelle encore la batture de la rivière St. Charles, il y avait toujours un certain nombre d’indiens demi-civilisés, mais profondément corrompus. C’étaient des canotiers, et jamais, sur la mer ou les rivières, nul homme ne sut conduire un canot et manier une pagaie comme eux. Si les passagers étaient nombreux et la recette bonne, ils fumaient, jouaient aux dés et buvaient joyeusement ; si la fortune se montrait revêche, ils s’enveloppaient dans leur couverte de laine blanche pour dormir paresseusement.

Ils exerçaient leur métier honnêtement, toutefois, et se sentaient fiers de la confiance que l’on mettait en leur parole.

Fanchon les connaissait un peu. Elle s’embarqua sans crainte et s’assit sur la peau d’ours, tendue comme un tapis, au fond du canot d’écorce.

Les indiens poussèrent au large. Mornes, silencieux, suivant leur habitude, ils répondaient à peine aux éternelles questions de la jeune messagère qu’ils avaient ordre de conduire à St. Valier. La mer commençait à baisser et leur canot glissait comme une