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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/486

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le chien d’or

feuille sur le courant rapide. Ils se mirent bientôt à chanter en langue sauvage, et d’une voix sourde, un refrain monotone et cadencé, et en chantant, ils plongeaient leurs pagaies dans les vagues du fleuve et la lumière du soleil tour à tour. Ils disaient :

Ah ! ah ! Tenaouich tenaga !
Tenaouich tenaga, ouich ka !

Fauchon pensa :

— C’est à mon sujet qu’ils chantent, bien sûr. Mais je m’occupe bien de cela ! Il n’y a pas de chrétiens qui parlent un pareil jargon ! C’est assez pour faire sombrer le canot… Puisqu’ils ne veulent pas causer avec moi, je vais réciter des pater et des ave, je vais me recommander à la bonne sainte Anne pour qu’elle m’obtienne la grâce de faire un bon voyage…

Et elle commença une série de prières toujours interrompues par de nouvelles distractions.

Toujours ramant, toujours chantant, les deux sauvages passèrent les vertes collines de la rive sud et les bords de l’île d’Orléans couronnée de forêts et baignée de lumière, et bien avant midi, ils vinrent s’arrêter au fond de l’anse de St. Valier.

Fanchon sauta sur la grève. Elle se mouilla un pied en sautant ainsi, et cela lui fit perdre un peu sa bonne humeur. Ses conducteurs ne l’avaient pas aidée. Dans l’opinion des Indiens, c’est la femme qui doit aider l’homme, et elle n’a besoin de personne.

La galanterie des Français envers les femmes leur a toujours paru une chose absurde, incompréhensible, et rien jamais n’a pu modifier leur manière de voir à ce sujet.

XI.

— Ce n’est pas que je tienne à toucher ces mains de sauvages, murmura Fanchon, mais ils auraient dû quand même se montrer mieux élevés ! Voyez