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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/66

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CHAPITRE V.

LE NOTAIRE AMBULANT.

I.

La patience de maître Jean Le Nocher, le robuste traversier de la rivière Saint-Charles, avait été rudement mise à l’épreuve depuis quelques jours, par les bandes d’habitants qui se rendaient à Québec. Ils venaient à la corvée du roi et se prévalaient en conséquence des privilèges accordés aux personnes attachées au service royal. Exempts de péage, ils payaient avec un salut ou une plaisanterie le pauvre Jean pas du tout accoutumé à cette monnaie.

Cependant, ce matin-là avait commencé, pour Jean, sous d’heureux auspices. Un officier du roi, monté sur un cheval gris, venait de traverser la rivière, et loin de se prévaloir des avantages que lui donnait son uniforme, il avait payé en bon argent plus que le tarif. Avant de poursuivre sa course, il avait adressé quelques bonnes paroles au traversier, et fait un salut aimable à sa femme, Babet, qui se tenait debout à la porte de la maison. Babet avait répondu par une révérence.

— Celui là, dit Jean à sa jolie et gaie compagne, c’est un gentilhomme, et un vrai ! il est généreux comme un prince… Vois ce qu’il m’a donné.

Il sortit une pièce d’argent, l’admira un moment, puis la lui jeta.

Elle tendit son tablier pour la recevoir, la fit jouer entre ses doigts, et la colla sur sa joue.