Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
le chien d’or

IV.

Bigot avait fait asseoir à sa droite le sieur Cadet, son ami de cœur, un gros sensuel au nez épais, aux lèvres rouges, et dont les yeux gris clignotaient sans cesse. Sa large face colorée par le vin brillait comme la lune d’août quand elle se lève à l’horizon. On disait que Cadet avait été boucher à Québec. Maintenant, il était, pour le malheur de son pays, commissaire en chef de l’armée, et confrère intime de l’Intendant.

Là se trouvaient aussi : le commandant de l’Artillerie, Le Mercier, officier plein de bravoure, mais homme plein de vices ; Varin, commissaire à Montréal, libertin fier de ses débauches, plus coquin que Bigot, et plus polisson que Cadet ; De Bréard, contrôleur de la marine et digne associé de Péniseault ; il avait un visage mince, un œil rusé qui convenait parfaitement au gérant de la Friponne ; Perrault, d’Estèbre, Morin et Vergar, tous des créatures de l’Intendant, des hommes qui l’aidaient dans son rôle infâme, ses associés dans la grande Compagnie — la grande compagnie des voleurs, comme disait le peuple qui se voyait dépouillé de tout au nom du roi et sous le faux prétexte de continuer la guerre.

Autour de la table somptueuse, il y avait nombre d’autres convives, les seigneurs dissolus des environs et les pères de la mode ; des hommes avides et extravagants, des hommes semblables à ceux dont parlait Charlevoix un quart de siècle auparavant, quand il disait : « des gentilshommes profondément versés dans l’art élégant et agréable de dépenser de l’argent, mais tout à fait incapables d’en gagner. »

V.

Parmi les jeunes seigneurs qui avaient été entraînés dans ce tourbillon de splendides folies, se trouvait le brave et beau Le Gardeur de Repentigny, capitaine dans la marine Royale, un corps nouvelle-