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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/48

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du dimanche 31 juillet au samedi 6 août. — 1870.

Vendredi 5 août. — Jour néfaste qui fait évanouir tous nos rêves, en nous apportant notre premier désastre. On dit toujours que les mauvaises nouvelles arrivent trop vite. Il en a été tout autrement de celle-ci. Le combat s’était livré à Wissembourg hier matin au moment où l’on se réjouissait de la conquête anticipée des houillières de la Sarre et ce n’est que le vendredi soir, très-tard, que la nouvelle officielle du désastre est arrivée. Mais déjà, dans la matinée, des voyageurs, des lettres particulières nous en avaient appris quelque chose, et les cœurs dilatés par la joie du premier succès se sont aussitôt contractés dans une angoisse compliquée de la plus pénible incertitude.

Le samedi 6 août, la dépêche relative au combat de Wissembourg est affichée à l’Hôtel-de-Ville. Une brigade de cavalerie légère a été taillée en pièces, et le général Abel Douai, qui la commandait, a été tué. On dit que nous avons été surpris, parce que nous ne savions pas la position et l’état des forces de l’ennemi, et que nous avons été écrasés, parce que nous n’avons pas voulu nous replier à temps, comme les Prussiens l’ont fait à Sarrebruck. Cela est bien possible : que de défaites nous devons, dans le passé, à notre dédain des précautions les plus nécessaires et à l’entraînement d’une valeur irréfléchie et indisciplinée ! Il est vrai que nos soldats se sont admirablement battus, qu’ils avaient à faire à des forces huit fois supérieures et que la victoire coûte à l’ennemi plus, qu’à nous, notre dé-