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mercredi 17 août. — 1870.

qu’une carafe et un verre pour la nuit. Ce matin il était debout dès cinq heures et il ouvrait lui-même la porte au soldat qui venait le brosser et le servir. En prenant le café, il s’est montré très-loquace. Il m’a appris tout aussitôt qu’il s’appelait Hugo Giel, qu’il était vétérinaire au 2e régiment d’artillerie de Bavière, qu’il avait femme et enfants. Je coupai court à ce bavardage pour le faire parler de la guerre. Il me dit que c’est Napoléon qui l’a voulue, qu’il a forcé l’Allemagne à la faire, que c’est pour cela que la Bavière a marché avec la Prusse, quoiqu’elle ne soit pas hostile à la France. Maintenant qu’ils ont détruit nos armées, ils marchent vers Paris, nach Paris, — les doux mots qu’ils ont tous à la bouche, — où on ne pourra pas les arrêter, et où ils espèrent bientôt en finir. On voit que c’est un homme qui ne doute de rien, qui ne s’inquiète de rien et qui est content de tout.

Où je le trouve en défaut c’est dans l’abandon où il laisse le soldat qui le sert, et dont je ne me suis pas occupé, parce qu’il ne s’est pas présenté chez moi avec son officier. Hier on l’a trouvé à l’écurie, assis sur la paille, pleurant à côté du cheval dont il est chargé. Sans un voisin compatissant, il aurait dû se coucher sans souper. Cette indifférence d’un officier pour son ordonnance, voilà un trait qui est allemand, et qui, j’en suis sûr, ne se produirait pas chez nous. Touché du délaissement de ce pauvre