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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/91

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mercredi 17 août. — 1870.

diable, je l’ai fait manger aujourd’hui à la cuisine. Il a mangé de bon cœur, mais il n’a fait que tremper ses lèvres dans le verre d’eau-de-vie qu’on lui a donné. Il y a ordre formel de ne pas s’enivrer : c’est sans doute pour n’en pas courir le risque, qu’il s’abstient à ce point-là. C’est que tout le monde obéit dans cette armée. Et cela est peu rassurant pour nous, qui n’obéissons pas. Car on sait que ceux-là qui obéissent à leurs chefs, sont aussi ceux qui commandent à leurs ennemis.

En ville, on est plus écrasé que dans le faubourg. Au moment de l’arrivée de cette multitude, on n’a pu procéder à une distribution régulière de billets de logement. Aussi les officiers allant au plus court, se mirent à mesurer les maisons de l’œil, à en compter les fenêtres, et ont eux-mêmes casé leurs soldats, par vingt, trente, quarante et plus, selon la capacité des bâtiments. On cite une maison de la place Carrière, celle de M. Besval, je crois, qui en a eu 110 pour son compte. Je laisse à penser ce qui s’est englouti de blocs de bœuf, de tranches de lard, de gamelles de pommes de terre ou de riz, dans ces estomacs affamés. Quant à la tenue, elle a été bonne. Sauf ce qu’on m’a raconté d’une razzia de fruits, dans le jardin de la Maison des Aveugles, je n’ai aucun acte de désordre à relater. Du reste, qu’on n’oublie pas que ce sont des Bavarois, que rien ici ne les provoque, et qu’ils