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souvenirs

au coucher du soleil, et, le soir, il regagna son lit, le corps plus moulu que s’il avait été roué de coups pendant vingt-quatre heures. Cette dernière circonstance ne laissait pas de beaucoup l’intriguer, car il lui était maintes fois arrivé de fournir à plus rude besogne sans éprouver pareille fatigue.

Ce n’est pas tout ; le buis une fois abattu, notre homme se trouva en proie, les jours suivants, à un autre genre de supplice. À peine couché, il s’endormait d’un sommeil, de plomb, jusqu’à minuit, heure à laquelle trois heurts violents ébranlaient subitement sa porte et le laissaient éveillé pour tout le reste de la nuit. À partir de ce moment, jusqu’au premier chant du coq, il ne cessait d’entendre distinctement des coups de hache et des hans vigoureux auxquels se mêlaient comme des soupirs étouffés et plaintifs. Ces bruits étranges, qui semblaient partir de l’endroit même où avait existé le buis, continuaient tant que duraient les ténèbres, et se terminaient, aux premières lueurs de l’aube, par une sorte de cri bref et douloureux qui ressemblait à s’y méprendre au craquement sorti du tronc de l’arbre au moment où, chancelant sur sa base et perdant l’équilibre, il était tombé sur le sol.

Cette singulière obsession durait depuis plus de six semaines, lorsque le paysan, aux abois, s’avisa de faire dire une messe, et cela suffit pour lui rendre le repos et le sommeil.