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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/100

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du vieux temps

À l’instant précis où l’on fixe aux bras des croix le buis dont nous venons de parler, l’assistance villageoise observe avec la plus grande sollicitude de quel point du ciel souffle le vent. Ce fait bien constaté, on peut être certain que de ce côté-là seulement partiront tous les orages qui surviendront durant le cours de l’année. — Malheur, trois fois malheur à nos récoltes si, dans ce moment solennel, le vent vient du sud-est, car toutes les nuées qu’enfante cette partie de l’horizon portent presque toujours la grêle dans leurs flancs !

Enfin, on recueille pieusement le vieux buis des croix, parce que c’est de son incinération que provient la poussière symbolique que le prêtre dépose, le jour du mercredi des Cendres, sur le front des fidèles.

L’imagination du peuple ne connaît point de bornes toutes les fois qu’il s’agit des objets que la tradition lui a signalés comme empreints d’un caractère sacré ou mystérieux. Ainsi, les Celtes finissent par voir dans leurs vieux chênes autant de dieux véritables ; ainsi, les Grecs, et les Romains, sous le nom d’hamadryades, transforment en autant de nymphes les arbres de leurs forêts :

Tout prend un corps, une âme, un esprit, un visage…

C’est un entraînement de cette espèce qui a donné lieu à l’aventure que voici :

Dans la commune de Lourouer-Saint-Laurent, canton de la Châtre, un habitant du village d’Étaillé, possédait, derrière sa maison, un vieux pied de buis qui gênait la culture de sa chènevière. Il résolut de l’abattre. À voir la grosseur du tronc, qui dépassait à peine celle de sa cuisse, le ménageot pensait le jeter par terre en moins de dix minutes ; tout le monde l’eût pensé de même. Il n’en fut pourtant point ainsi : il mit à ce travail un jour entier, bien employé, du lever