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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/208

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du vieux temps

Chez les Scandinaves, ce dieu chassait également pendant la nuit, et tout le monde était dans la terreur lorsque, traversant les airs à la tête des héros morts, il galopait sur les nuages et encourageait sans cesse sa troupe, en lui criant d’une voix de tonnerre : Abbo ! abbo[1] ! — On serait tenté de se demander si c’est seulement par hasard que ce cri abbo se retrouve dans le nom même de notre Chasse à Bôdet.

« Les chercheurs, dit Collin de Plancy, dans son Dictionnaire infernal, ont trouvé que Woden, dont les races germaniques ont fait God (Dieu) en se convertissant au christianisme, a de l’analogie avec le Bouddha des Indiens » ; ces chercheurs eussent trouvé un rapport de consonance bien plus frappant entre le nom de Bouddha et celui de Bôdet.

Dans notre Chasse à Bôdet, le conducteur des âmes est devenu le Diable, et les âmes qu’il conduit, au lieu d’être des ombres de héros, sont des âmes maudites. — C’est toujours le vieux système d’interprétation malveillante : le culte vainqueur dénaturant, calomniant les pratiques et les doctrines du culte vaincu.

Quant au Ribaud, qui sert de grand veneur aux chasses fantastiques de quelques-uns de nos cantons, il rentre dans la catégorie des êtres malfaisants que l’on donne pour patrons, en beaucoup d’endroits, à ces sortes de chasses, et rappelle la Chasse-Caïn, la Chasse du Diable de la Normandie, ainsi que la Chasse du roi Hérode du Périgord, de la Bresse et de la Franche-Comté.

L’appellation de Ribaud n’est pas d’une aussi haute antiquité que celle de Bôdet, car ce n’est guère que depuis le quatorzième siècle que l’on a employé le premier de ces mots à qualifier les gens dissolus et sans aveu[2]. Dans l’origine, ce

  1. Désiré Monnier, Traditions populaires comparées, p. 78.
  2. Du Cange, Gloss., ve Rex Ribaldorum.