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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/42

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du vieux temps

dans la matinée du premier jour de Noël. Ces pains se façonnaient toujours autrefois et se façonnent souvent encore aujourd’hui en forme de corne ou de croissant.

Ce mot cornabœux (cornes à bœufs), par lequel on désigne une aumône dispensée à l’époque de la naissance de Notre Sauveur, ne ferait-il pas allusion au bœuf qui avoisinait l’Enfant Jésus dans la crèche, et ne pourrait-on pas inférer de cette coïncidence que ce secours est donné aux malheureux, dans le but d’obtenir du ciel la conservation des aumailles ou bêtes à cornes[1] ? — Quoi qu’il en soit, cette habitude rappelle celle où sont les Lorrains de s’entre-donner, à la même époque, des cognés ou cogneux, espèces de pâtisseries dont les unes figurent deux croissants adossés, et dont les autres, plus longues que larges, se terminent également, à leurs extrémités, par deux croissants ; elle rappelle aussi l’usage où étaient les Athéniens d’offrir à Hécate des gâteaux qui portaient la figure d’un bœuf, parce que, dit-on, ils regardaient cette déesse comme la protectrice de cet utile animal. Nos cornabœux ne sont sans doute pas non plus sans analogie avec ces gâteaux cornus que les Juifs, captifs en Égypte, offraient à la reine des cieux, c’est-à-dire, au soleil[2], et toutes ces pâtisseries ont probablement la même origine que celles que les Chinois consacrent à l’astre des nuits depuis des milliers d’années. — Autre rapprochement : « Annuellement encore, dit M. Champollion-Figeac[3], les habitants des campagnes, dans le Dauphiné, célèbrent la fête du soleil et allument des feux aux solstices. Dans la commune

  1. En Berry, on dit toujours aumaille pour bête à cornes. — Dans le patois romand des cantons de Vaud et de Fribourg, on dit armaille pour aumaille. Ce mot vient, selon toute probabilité, du latin armentalis. Il est fréquemment employé par notre vieil historien Chaumeau : — « La ville de Linières est assise en pays de varenne et mesgre, néantmoins abondant en seigle, avoine et prayries plaisantes et délectables, où l’on fait grande nourriture d’aumailles et de bêtes à laine. »
  2. Jérémie, XLIV, 19. — Voy. plus loin, p. 93.
  3. Nouvelles recherches sur les patois.