Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

15
du vieux temps

rage contre l’humanité[1]. C’est alors qu’il sème dans les sentiers et sur les carroirs[2] que doivent parcourir les pieuses caravanes de la messe de minuit, ces larges et splendides pistoles qui jettent dans l’ombre de si magiques et de si attrayants reflets; c’est alors qu’il ouvre aux pieds des croix et des oratoires champêtres ces antres béants au fond desquels on voit ruisseler des flots d’or et de pierreries, et qui sont autant de gouffres conduisant directement aux enfers.

Cependant les sorciers, ses dignes suppôts, rôdent plus qu’en aucun autre temps aux abords des métairies, se glissent dans les cours, passent et repassent devant les étables, et multiplient les pièges autour des animaux qui sont la principale richesse de nos villageois.

Mais les gens de nos domaines se tiennent plus que jamais sur leurs gardes. Dès la veille de Noël, à la tombée du jour, toutes les portes des écuries, bergeries et étables, surtout celles de la bouverie, sont soigneusement barricadées. Défense expresse aux femmes de s’y introduire, de peur que, par leur moyen, le Maufait[3] n’établisse des intelligences dans la place.

Les bêtes bovines et asines jouissent de beaucoup de considération pendant les trois jours que durent les fêtes de Noël. Elles doivent cet honneur au souvenir du bœuf et de l’âne de Bethléem qui assistèrent à la naissance de Notre Sauveur. N’oublions pas que c’est encore en raison de cette circonstance que le Follet n’ose donner à ces animaux les soins d’hygiène et de toilette qu’il se plaît si souvent à prodiguer au cheval. — La croix que l’âne porte sur son

  1. La Monnoye dit, dans son patois bourguignon, en parlant du jour de Noël :

    Ce jor, le Diale at ai cu.
    Randons an graice ai Jésu.

    c’est-à-dire : Ce jour-là, le Diable est acculé, est vaincu ; rendons-en grâce à Jésus.

  2. Vastes carrefours dans la campagne. Voy. liv. II, ch. III, l’article les Carroirs.
  3. Le Diable. Voy. p. 126.