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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/51

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souvenirs

dos, — décoration héréditaire que sa race doit, comme chacun sait, à l’honneur d’avoir servi de monture à Jésus-Christ, — contribue surtout, dit-on, à tenir le Follet à distance. C’est au point qu’il suffit de placer un de ces quadrupèdes dans une écurie hantée par le Lutin pour l’en éloigner aussitôt.

Bœufs et vaches participent aux mortifications et aux joies chrétiennes qui signalent cette grande journée : ainsi, après avoir jeûné la veille de Noël, comme leurs maîtres, ces animaux reçoivent, à l’issue de la messe nocturne, une provende extraordinaire du meilleur fourrage. Une coutume semblable existe en Suède. Les paysans de cette contrée veulent que tous les animaux de la ferme prennent part à la solennité : « Ce jour-là, dit M. Léouzon Le Duc[1], ils donnent la liberté aux chiens de garde, ils servent à leurs bestiaux un fourrage d’élite… » Dans quelques localités de l’Alsace, on croit, qu’en cette circonstance, la sainte Vierge se plaît à faire couler dans l’endroit où les bœufs étanchent leur soif les flots d’un merveilleux breuvage destiné à leur donner force et santé pendant toute l’année.

Lorsque, durant cette espèce de réveillon, on est obligé d’envoyer le bétail boire au dehors, assez souvent, à leur retour de l’abreuvoir, les aumailles se trouvent accompagnées d’un bouvier inconnu, tombé on ne sait d’où. Ce mystérieux personnage a l’air de passer là par hasard ; il s’empresse auprès des bêtes et fait le bon valet. Gardez-vous, toutefois, de le laisser mettre le pied dans l’étable, car ce serviteur modèle, vous l’avez sans doute deviné, est Georgeon en personne, c’est-à-dire le Diable[2]. Quelquefois, dans la circonstance dont nous parlons, Georgeon prend la forme d’un bœuf noir et cherche à se faufiler parmi le troupeau. —

  1. La Fête de Noël en Suède et en Finlande.
  2. Voy. sur les différents noms que nous donnons au Diable, à la p. 126.