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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/59

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souvenirs

mot latin ephebe (jeune homme)[1] » — Il est certain que, d’après cette explication, la réponse cadre avec la demande, et que l’une et l’autre forment un sens naturel et satisfaisant ; mais ceux qui prétendent que le banquet des Rois est une imitation du repas des Saturnales, où figurait, dit-on, un gâteau, et où la royauté du festin[2] se tirait également au sort, disent que celui des convives auquel le hasard dispensait cet honneur était salué par ces mots : Phœbe domine ! qui, plus tard, furent remplacés par ce cri : Le roi boit ! Cette innovation toute païenne fut adoptée par les chrétiens, qui s’en servirent, en France, jusqu’à la fin du seizième siècle. Au dire des mêmes autorités, l’enfant, ou le plus jeune des convives, placé sous la table, représentait le dieu des oracles, ce qui fait, qu’à chaque interrogation, on l’appelait Phœbe, comme si l’on se fût adressé au dieu lui-même. Enfin, notre expression roi de la fève (fabœ dominus) ne serait pour ainsi dire que la traduction phonique des mots Phœbe domine, et cette expression, bien antérieure à l’époque où l’on remplaça le denier par la fève, aurait fini par donner l’idée de cette substitution. Observez, de plus, qu’en basse latinité, on se servait des termes phœbissare, phœbe facere, pour dire tirer la fève[3].

Mais revenons. — La première pensée de notre roi de hasard est de se choisir une compagne, et, guidé par son goût, bien plus que par la politique, il le fait sur-le-champ, en

  1. La Fête des Rois à Azy (Cher), p. 2.
  2. Regna vini, comme disaient les Romains. Cette royauté se tirait au sort par le moyen des dés ou des osselets. C’était le point le plus élevé, le coup de Vénus, qui y donnait droit. — « Quand tu ne seras plus de ce monde, dit Horace, dans une ode adressée à Sextius, les osselets ne te donneront plus la royauté du vin : Nec regna vini tiere talis. » — « Qui Vénus investira-t-elle du droit de porter les santés ? — Quem Venus arbitrum dicet bibendi ? » dit ailleurs le, même poète.
  3. Quitard, Dictionnaire étymologique des proverbes. Paris, 1842, p. 387 p. 388.