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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/90

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du vieux temps

trie, l’arbre le plus élevé et le plus robuste de leur pays. Pendant les principales cérémonies qui signalent ce culte, le quasi ou prêtre sacrificateur, tient d’une main une serpe ou faucille, tandis que de l’autre il agite un rameau qui porte le nom de sang-rafoe et avec lequel il touche toutes les personnes groupées et prosternées au pied de l’arbre.

Nous noterons encore, à propos du fameux cri : Au gui l’an neuf ! que, dans certaines parties du Berry, le gui se nomme gué ; or, les exclamations joyeuses : gué ! gué ! ô gué ! (au gué ?), qui figurent dans les refrains de beaucoup de nos vieilles chansons, comme dans celui-ci : « La bonne aventure, ô gué ! » ne seraient-elles pas un écho du cri que faisaient entendre les Gaulois lorsqu’ils recherchaient ou découvraient le gui ou le gué sacré ?

Lorsque l’on cherche à se rendre compte de l’étrange vénération que nos ancêtres avaient pour le gui, on croit en découvrir les causes dans l’existence aérienne et pour ainsi dire toute céleste de cet arbrisseau, qui, contrairement aux autres, plantes ligneuses, ne tire point sa nourriture de la terre et semble en fuir le contact[1]. C’était si bien là, selon nous, ce qui constituait, aux yeux des Gaulois, la nature divine du gui, que l’on prescrivait de le recevoir, à sa chute de l’arbre, dans un blanc sagum, et qu’il est dit, dans un autre passage de Pline, que si le gui n’a pas touché la terre : si terram non attigit, il est souverain contre l’épilepsie.

Mais pourquoi le gui de chêne était-il, exclusivement à tout autre, l’objet de la vénération des Gaulois ? C’est qu’il était produit par l’arbre sacré par excellence. Quidquid adnascatur illis, dit ailleurs Pline, en parlant des chênes, e cœle missum putant[2].

  1. Les Bretons appellent le gui, huel-var, c’est-à-dire l’herbe qui vient en haut. (Émile Souvestre, le Foyer breton.)
  2. Histoire naturelle, liv. XXVI, ch. 95.