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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/91

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souvenirs

On a remarqué, dans ces derniers temps, que le mot kimrique gwydd était tout à la fois le nom du gui et celui d’une divinité gauloise, et l’on en a conclu que, de même que le chêne était l’emblème de la force créatrice, le gui devait être le symbole de l’immortalité[1].

La rareté du gui de chêne dut aussi contribuer à le placer plus haut que les autres dans l’estime du peuple. Ajoutons encore que la persistance et le vert perpétuel du feuillage dans certaines plantes, — image d’une éternelle jeunesse, — paraissent leur avoir donné, aux yeux des anciens, un caractère sacré. De là l’usage de ne consacrer aux dieux que des arbres de cette espèce, tels que le laurier, l’olivier, le myrte, le buis, etc., etc. — Ce dernier arbrisseau, chez les Grecs et les Romains, était dédié à Cybèle, et c’est pourquoi sans doute, ainsi qu’on le verra bientôt, nos paysans sont dans l’habitude d’en ficher en terre une multitude de ramilles, lorsque vient le jour des Rameaux.

Au reste, il n’est guère de religions où l’on ne voie figurer un rameau mystérieux, tantôt comme symbole de l’immortalité[2], tantôt comme conjurateur de tout danger, de toute maligne influence. À ce genre de talisman appartient encore ce rameau d’or, puissant et merveilleux phylactère, dont il est si souvent question dans nos vieux romans de chevalerie et qui n’est qu’un souvenir de cet autre rameau d’or dont se munit Énée pour pénétrer dans les enfers. À ce propos, nous remarquerons que si l’on a généralement reconnu des oranges dans les célèbres pommes d’or du jardin des Hespérides, il y a tout lieu de croire que le rameau d’Énée n’était autre chose

  1. Voy., sur la relation emblématique du gwydd-plante et du gwydd-dieu, l’article Druidisme de J. Reynaud, dans l’Encyclopédie nouvelle, et les p. 68 et suiv. du t. Ier de l’Histoire de France de M. Henri Martin. Voy. en outre, comme source de ces inductions, les chants bardiques publiés par M. de la Villemarqué.
  2. Voy., liv ; IV, ch. iii du présent ouvrage, à l’article : Funérailles, ce que l’on dit de la branche de buis que l’on met dans la main des morts.