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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/97

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souvenirs

Dans quelques-unes de nos paroisses, on se garde bien de se servir d’un couteau pour détacher de l’arbuste les rameaux de buis que doivent arborer les fidèles dans la solennité des Pâques-fleuries : on les casse, on ne les coupe point. Cela tient à un préjugé qui date de loin, et d’après lequel l’emploi du fer était proscrit dans toutes les opérations que l’on tenait à voir réussir ou sur lesquelles on désirait attirer la faveur du ciel. On découvre des traces évidentes de cette antique croyance dans plusieurs autres de nos usages. Nous avons déjà dit, d’après Pline, que, dans l’opinion des Celtes, le gui avait la propriété de guérir toutes les maladies, pourvu que l’on n’employât pas le fer pour le cueillir. Il résulte de vingt autres passages du même auteur, que l’on défendait toujours l’usage du fer dans la préparation des médicaments. (Voy. plus loin, liv. III, ch. v, l’article : Panseux de secret.)

Cette prescription aurait-elle quelque analogie : 1o avec la recommandation de l’Écriture qui interdit l’emploi d’instruments de ce métal dans l’édification des autels du Seigneur[1] ; 2o avec l’habitude systématique qu’avaient les Gaulois et tant d’autres peuples des premiers âges de ne mettre en œuvre que des monolithes bruts dans l’érection de leurs monuments religieux ? Serait-ce encore par suite de ce même préjugé que les druides avaient coutume de se servir d’une serpe ou faucille d’or pour détacher le gui du chêne ? — Nous sommes très-disposé à le croire ; car, dans les temps les plus reculés, il existait chez plusieurs peuples, et, entre autres, chez ceux qui étaient, comme les Gaulois et les Hébreux, d’origine aryenne, une très-ancienne superstition qui réprouvait l’emploi du fer dans une foule de circonstances. Le fer passait alors pour être consacré au mauvais principe. D’après un fragment de Manéthon[2], conservateur des archives sacrées du

  1. Exode, xx, 25 ; — Deutéronome, XXVII, 5< etc.
  2. Apud Jul. Afric., éd. J. Scaliger.