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Page:Langlois - La decouverte de l'Amerique par les Normands vers l'an 1000. Deux sagas islandaises, 1924.djvu/30

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XXIV
INTRODUCTION

teuil d’honneur où le maître de maison s’asseyait pour recevoir ses hôtes. L’adoration était accompagnée, au début surtout, de sacrifices d’animaux et même d’hommes, en nombre parfois considérable. On retrouve dans l’histoire scandinave, comme dans l’histoire hébraïque ou l’histoire grecque archaïque, le sacrifice d’enfants par le père, pour attirer la bienveillance divine[1]. Le rite sacrificatoire dura fort avant dans l’histoire religieuse du Nord.

L’absence d’un clergé particularisé est le point le plus particulier qui explique la facilité de certaines révolutions religieuses d’ailleurs bien postérieures. À l’origine, tout homme libre pouvait élever un autel et y exprimer son adoration. Lorsqu’on en vint à l’imploration en commun et qu’on éleva le temple de la communauté ou de la nation, un homme libre, parfois même un esclave délégué, fut chargé du temple et des sacrifices. En général, c’était le chef du clan ou de la communauté ou le donateur du temple. C’était le « godi »[2].

La nature sauvage et rude du Nord avait marqué une empreinte profonde sur les esprits des hommes. La crainte des colères de la nature avait glissé dans leurs âmes cependant fortement trempées une sorte de mysticisme craintif.

Comme nos Bretons, ils croyaient à des esprits tantôt malfaisants, tantôt bienfaisants, ce sont les Valkyries, qui savent les noms des guerriers qui tomberont, les « trolls » et les « nykar » et leurs antinomiques, les « disir » bienfaisants ; diablotins nains ou géants. À ces superstitions se mêlent des fables antiques et plus qu’ailleurs les histoires de spectres ou de revenants.

Par nature, par atavisme peut-être, le Normand était fataliste, non à la façon négative orientale, qui l’eût rendu faible, mais fataliste d’un genre très particulier. Il ne craint rien et son audace n’a pas de bornes, puisque la volonté des dieux a écrit le destin de chaque homme et qu’avant l’heure fatale, rien ne peut modifier ce que la divinité a résolu.

« Je ne crains ni dards, ni javelots. En cela comme en toute

  1. Sacrifice du fils du « Jarl Haakon », dans la Jomsvikinga Saga.
  2. De « God » dieu.