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Page:Langlois - La decouverte de l'Amerique par les Normands vers l'an 1000. Deux sagas islandaises, 1924.djvu/66

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la découverte de l’amérique

guèrent deux[1] doegr et ils aperçurent une autre terre. L’équipage demanda à Bjarni s’il pensait que c’était là le Groenland. Il répondait qu’il ne le pensait pas plus que précédemment, parce que, au Groenland, disait-on, il y avait de grands glaciers. Ils approchèrent bientôt cette terre et virent qu’elle était plate et boisée. Le bon vent leur manqua alors et l’on tint conseil, l’équipage fut d’avis qu’il serait sage d’aborder là, mais Bjarni n’y consentit point. Les matelots prétendirent qu’ils étaient à court de bois et d’eau : « Vous ne manquez d’aucune de ces choses » leur dit Bjarni, ce qui lui valut des reproches de son équipage. Il les pria de hisser la voile, ce qu’ils firent et tournant le dos à la terre, ils gagnèrent la haute mer avec de forts vents de Sud-Ouest, et naviguèrent pendant trois doegr ; alors, ils aperçurent une troisième terre, elle était élevée et montagneuse, avec des pics neigeux au-dessus. Ils demandèrent alors à Bjarni s’il voulait atterrir, il répondit qu’il n’y était point disposé « parce que ce pays ne me semble pas attrayant ». Ils ne carguèrent pas leurs voiles et continuèrent à longer la terre, ils virent que c’était une île. Ils la laissèrent en arrière[2] et gagnèrent la haute mer avec le même bon vent. Le vent devint fort, Bjarni donna l’ordre de prendre des ris et de ne pas aller à une vitesse mal appropriée au navire et au gréement. Ils naviguèrent alors quatre doegr et aperçurent une quatrième terre. L’équipage demanda encore à Bjarni s’il pensait que c’était là le Groenland ou non. Bjarni répondit : « Ceci ressemble beaucoup au Groenland, selon ce qu’on m’a raconté et cette fois, nous allons gouverner vers la terre ».

Ils mirent le cap dessus et atterrirent vers la fin du jour au pied d’un cap où se trouvait un bateau. C’était sur ce cap qu’habitait Herjolf, le père de Bjarni. Ce cap a pris son nom et s’appelait Herjolfsness. Bjarni alla vers son père, abandonna ses navigations et resta avec son père tant qu’il vécut. Par la suite, après la mort de son père, il continua à y demeurer.

  1. Tvau, two anglais.
  2. Stafn vit thui landit, stafn peut désigner l’avant ou l’arrière, voir précédemment.